SPORT. -- Tout juste rentré des championnats du monde de
canoë-kayak, en République tchèque, où il s'est adjugé une
modeste 18e place, Eric Jolit raconte
« Je
n'ai aucun regret »
: Propos recueillis par Daniel
Bozec |
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Eric Jolit, le kayakiste de l'UST Tonneins, de
retour chez lui, à Sainte-Bazeille, trois jours après
avoir échoué aux championnats du monde PHOTO
D.B.
| On n'en aurait pas voulu à
Eric Jolit s'il l'avait joué maussade. Mais ce gars est une
perle de gentillesse. D'une modestie à toute épreuve. Il ne
feint même pas la fatigue. Eric Jolit est rentré dans la nuit
de dimanche à lundi, au volant de la camionnette de l'équipe
de France. De retour auprès de sa compagne et de leur fille de
4 mois. Sans médaille. Vendredi dernier, aux championnats du
monde de canoë-kayak, à Karlovy-Vary, en République tchèque,
le sociétaire de l'US Tonneins n'a pu faire mieux qu'une 18 e
place en descente sprint. Déception, forcément, pour celui qui
visait le titre, ni plus ni moins. C'était sa dernière grande
compétition. Lui avait choisi, vaille que vaille, de
s'entraîner seul en Lot-et-Garonne. Trop attaché à ses terres
pour succomber aux sirènes d'un véritable encadrement, quitte
à s'interdire, sans doute, de meilleurs résultats. Après tout,
le joli titre de champion d'Europe décroché en 2005 lui avait
donné raison. Aujourd'hui, c'est de « reconversion » dont il
est question. S'il avoue se laisser bercer « à chaud » par
l'idée d'un retour à la compétition en 2007, les championnats
de France qui se dérouleront cet été à Bourg-Saint-Maurice
(Savoie) ressemblent fort à l'ultime objectif d'Eric Jolit.
Sud
Ouest. On vous aurait imaginé déçu, voire abattu. Il semble
que vous ayez déjà tiré les enseignements de cette modeste 18e
place... Eric Jolit. Le lendemain de la course, et pendant le
trajet du retour, en camion, beaucoup de choses ont tourné
dans mon esprit. En fait, ces championnats du monde auraient
dû avoir lieu au Pays de Galles. J'étais super motivé. Sur ce
parcours, j'avais gagné une course de la coupe du monde l'été
dernier. Ces championnats du monde étaient vraiment
abordables. Au mois de janvier, les Gallois n'ont pas pu tenir
leurs engagements. Les Tchèques se sont proposés et ce sont
eux qui ont finalement organisé les championnats. Mais,
là-bas, la rivière, c'est tout plat.
Rien à voir avec les
parties d'eaux vives, que vous avez
affectionnez...
Ce sont les entraîneurs de l'équipe de
France qui me l'on annoncé. Quand j'ai raccroché, je me suis
dit que ça ne servait à rien que j'y aille, que ce n'était pas
un parcours pour moi... Mais quand on est en pleine saison,
quand on est compétiteur dans l'âme... voilà, je me suis
accroché. J'ai modifié mon entraînement, intensifié les
séances sur du plat. Et j'ai quand même bien progressé.
Pas assez pour faire la différence ?
De tout temps, ce qui a fait ma force,
c'est l'explosivité sur rivière, la variation d'efforts. Sur
ce parcours tchèque, il faut lancer le bateau et maintenir la
vitesse. C'est très dur. Ceux qui ont gagné à Karlovy-Vary
sont physiquement très forts. Je n'ai pas de regrets. Arrivé
là-bas, j'ai vu de sacrés cadors qui rentraient dans
l'arène.
Vous finissez 11e à la fin de la première épreuve.
Racontez-nous un peu la suite. Vous jouez votre va-tout
?
Pour la deuxième manche, je n'avais plus rien à perdre.
C'était peut-être possible d'accrocher une médaille ; j'ai
pris tous les risques, du coup c'est sorti. Au final, je fais
18 ou 19 e... J'ai donné le maximum, au point de ne plus être
lucide. Tout est flou, on voit des étoiles, le champ de vision
est hyper-rétréci, au point de voir que l'endroit où on veut
passer. A la sortie d'une marche, je me suis retrouvé à longer
la berge, à ne plus pouvoir pagayer des deux côtés. A
l'arrivée, je me suis retourné vers le tableau d'affichage.
Mon temps était à la rue...
Première réaction, sur le
coup ?
Les entraîneurs sont venus voir aussitôt si je n'étais
pas trop déçu. Mais, encore une fois, je ne regrette rien.
C'est juste une question de fierté... On crie partout qu'on
veut être champion du monde, on cherche des partenaires, on le
dit dans la presse... J'étais toujours conscient de mes choix
et je les ai assumés jusqu'au bout.
Le paradoxe, c'est que vous
n'avez jamais été en aussi bonne forme physique, non ?
je n'ai jamais été aussi fort. Et
j'attends beaucoup des championnats de France, à
Bourg-Saint-Maurice, en juillet. Une rivière, des eaux vives.
Je vais faire parler la poudre. Pour moi, ce sera une forme de
validation de ma progression physique.
Il ne faudra
pas relâcher la pression d'ici là...
Je relâche la pression cette semaine...
Là, ce sera vraiment du plaisir. C'est bizarre de le dire
ainsi. Mais c'est vrai que je partais aux championnats du
monde avec un petit coup au moral... Dès que les sprints sont
passés, j'ai pris un petit quart d'heure pour me dire,
maintenant, l'objectif, ce sont les championnats de
France.
Vous ne payez pas un peu votre choix d'un
entraînement en solitaire, en dehors des structures, hormis
les stages avec l'équipe de France ?
On va plus loin
dans les limites en s'entraînant à plusieurs. Tous les autres
athlètes sont à proximité de structures d'entraînement...
Seul, on a beau faire le même volume d'entraînement,
l'intensité est moindre. On est en sport amateur, on n'est pas
pro. On nous demande de fonctionner comme des pro. Soit on est
étudiant, soit on a un bon boulot avec un patron qui laisse du
temps... On y met notre passion, nos finances personnelles
aussi. Ce sont des choix de vie. Pour moi, la force, elle
était ici (il regarde sa fille - NDLR).
Faut-il
parler de retraite ?
Cela fait bizarre de participer à des
championnats du monde en se disant que ce sont les derniers...
Il reste le souvenir de porter une médaille d'or (celle des
championnats d'Europe 2005 - NDLR), d'entendre la Marseillaise
sur le podium. Alors, je me dit, pourquoi pas dans deux ans.
Je ne me sens pas capable de faire la saison 2006-2007.
Pourquoi pas faire une coupure ? Mais je dis peut-être ça à
chaud...
Vous étiez animateur à l'US Tonneins canoë-kayak.
Quelle reconversion pour un champion de canoë-kayak
?
En canoë-kayak et en sport de plein air en général, on
a du potentiel en Lot-et-Garonne qui n'est pas encore
exploité. Je songe à me lancer en tant que travailleur
indépendant. Monter une structure, accolée à une collectivité,
avec la possibilité d'y pratiquer non seulement du canoë-kayak
mais des activités de loisirs et de compétition : randonnée,
courses d'orientation, etc. Tout cela est en train de germer.
Je pourrais fournir des prestations aux clubs sportifs, aux
centres de loisirs, aux scolaires. J'ai envie de rester dans
le Lot-et-Garonne pour faire évoluer les choses.
« Arrivé là-bas, j'ai vu de sacrés cadors qui
rentraient dans l'arène. »
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